Australie : Un projet de loi sans précédent sur la surveillance a été adopté par le Parlement en 24 heures.

La police australienne peut désormais pirater votre appareil, collecter ou supprimer vos données, prendre le contrôle de vos comptes de médias sociaux, le tout sans mandat d'un juge.

Le gouvernement australien s'oriente depuis quelques années déjà vers un État de surveillance. Aujourd'hui, il enfonce le clou avec un projet de loi sur la surveillance sans précédent qui permet à la police de pirater votre appareil, de collecter ou de supprimer vos données et de prendre le contrôle de vos comptes de médias sociaux, sans garanties suffisantes pour empêcher les abus de ces nouveaux pouvoirs.


Ce mois-ci, le gouvernement australien a adopté un projet de loi sur la surveillance de grande envergure, pire que toute autre législation similaire dans un autre pays à cinq yeux.

Le projet de loi 2020 portant modification de la législation sur la surveillance (identification et perturbation) donne à la police fédérale australienne (AFP) et à la Commission australienne du renseignement criminel (ACIC) trois nouveaux pouvoirs pour lutter contre la criminalité en ligne :

  1. Mandat de perturbation des données : donne à la police la possibilité de “perturber les données” en les modifiant, les copiant, les ajoutant ou les supprimant.
  2. Mandat d’activité de réseau : permet à la police de recueillir des renseignements à partir d’appareils ou de réseaux utilisés, ou susceptibles d’être utilisés, par les personnes visées par le mandat.
  3. Mandat de prise de contrôle d’un compte : permet à la police de prendre le contrôle d’un compte en ligne (par exemple, sur les médias sociaux) afin de recueillir des informations pour une enquête.

Les deux organismes australiens chargés de l’application de la loi, l’AFP et l’ACIC, auront bientôt le pouvoir de modifier, d’ajouter, de copier ou de supprimer vos données si vous devenez un suspect dans le cadre d’une enquête sur un crime grave.

Ce qui rend cette législation encore pire, c’est qu’il n’y a pas de contrôle judiciaire. Un mandat pour la perturbation des données ou l’activité du réseau peut être délivré par un membre du tribunal d’appel administratif, le mandat d’un juge n’est pas nécessaire.

Les entreprises australiennes sont tenues de s’y conformer

Lorsqu’ils reçoivent un tel mandat du Tribunal d’appel administratif, les entreprises australiennes, les administrateurs de systèmes, etc. doivent s’y conformer et aider activement la police à modifier, ajouter, copier ou supprimer les données d’une personne faisant l’objet d’une enquête. Le refus d’obtempérer peut entraîner une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans, selon le nouveau projet de loi.

Les activités de piratage requises pourraient inclure : la modification, la copie et la suppression de données ; l’interception et la modification de communications ; la surveillance de réseaux ; et la modification d’identifiants de comptes.

Justification du projet de loi

Les politiciens justifient la nécessité de ce projet de loi en déclarant qu’il est destiné à lutter contre l’exploitation des enfants (CSAM) et le terrorisme. Cependant, le projet de loi lui-même permet aux forces de l’ordre d’enquêter sur toute “infraction grave du Commonwealth” ou “infraction grave de l’État qui a un aspect fédéral”.

En fait, cette formulation permet à la police d’enquêter sur toute infraction passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins trois ans, notamment le terrorisme, le partage de matériel pédopornographique, la violence, les actes de piratage, les faillites et les violations de sociétés, ainsi que l’évasion fiscale.

Critique du projet de loi sur la surveillance

Le projet de loi australien sur la surveillance a été fortement critiqué par la sénatrice Lidia Thorpe, porte-parole des Verts pour la justice :

“L’examen Richardson a conclu que ce projet de loi permet à l’AFP et à l’ACIC d’être ‘juge, jury et bourreau’. Ce n’est pas ainsi que nous rendons la justice dans ce pays. Le projet de loi n’identifie ni n’explique pourquoi ces pouvoirs sont nécessaires et nos alliés aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et en Nouvelle-Zélande n’accordent pas ces droits aux forces de l’ordre."

"Dans les faits, ce projet de loi permettrait aux agences d’espionnage de modifier, copier ou supprimer vos données avec un mandat de perturbation des données ; de collecter des renseignements sur vos activités en ligne avec un mandat d’activité de réseau ; également, elles peuvent prendre le contrôle de vos médias sociaux et autres comptes et profils en ligne avec un mandat de prise de contrôle de compte.”

La fin des droits de l’homme

Le nouveau projet de loi australien sur la surveillance signe la fin du respect des droits de l’Homme en Australie.

Pour l’avocat Angus Murray, président de l’équipe politique d’Electronic Frontiers Australia, les pouvoirs de piratage constituent un risque sérieux pour nos libertés civiles.

”Il s’agit maintenant d’un régime en Australie où nous avons conféré le pouvoir aux organismes d’application de la loi de pirater les ordinateurs des Australiens, et potentiellement des personnes à l’étranger, et de prendre le contrôle de comptes et de modifier et supprimer les données sur ces comptes”, a-t-il déclaré à Information Age.

”L’Australie n’a pas de droits consacrés par la Constitution en matière de discours politique et d’autres droits de l’homme, mais si nous donnons ces pouvoirs aux forces de l’ordre, cela devrait être vérifié et équilibré par rapport à un instrument des droits de l’homme au niveau fédéral.”

Murray prévient qu’il pourrait arriver un moment où ce pouvoir serait utilisé contre la société. En théorie, du moins, la police pourrait mettre des images d’exploitation d’enfants sur votre ordinateur. Bien que ce genre de chose ne soit pas l’intention du projet de loi, il n’y a pas non plus de garanties significatives contre cela.

La surveillance est un pouvoir

La possibilité de pirater secrètement les ordinateurs des gens, de prendre le contrôle de leurs réseaux sociaux et de les espionner porte fondamentalement atteinte à notre droit à la vie privée.

La surveillance, c’est le pouvoir, et c’est une menace pour nos sociétés libres et ouvertes.

En Allemagne, nous savons, grâce à l’histoire récente, à quel point un État de surveillance est dévastateur.

Ensemble, nous devons nous battre pour la vie privée !