Qui est surveillé ?
Les politiciens affirment régulièrement qu'ils doivent interdire le cryptage pour protéger les enfants. Mais qui est réellement surveillé ?
Qui est surveillé ?
Les grands médias allemands font une propagande massive en faveur d’un renforcement de la surveillance des télécommunications en raison de la pornographie infantile prétendument répandue. On a de plus en plus l’impression que les politiciens font valoir la nécessité d’interdire le cryptage pour protéger nos enfants des abus sexuels. Le but inavoué : faire accepter davantage de surveillance à la population.
Toutefois, si l’on examine les ordonnances de surveillance effectivement rendues par les tribunaux allemands, les chiffres parlent un tout autre langage.
Les crimes liés à la drogue en tête
Le résultat est surprenant : En Allemagne, plus de 47,3 % des mesures de surveillance des télécommunications selon le § 100a StPO ont été ordonnées pour trouver des suspects d’infractions liées à la drogue en 2019. Seuls 0,1 pour cent des ordres ont été émis en relation avec la pornographie infantile.
Néanmoins, la raison principale des mesures ciblées - les enquêtes sur les infractions liées à la drogue - est rarement, voire jamais, mentionnée lorsqu’on demande davantage d’options de surveillance pour les forces de l’ordre.
Comparaison du pourcentage d’ordonnances de surveillance pour la pédopornographie et les infractions liées à la drogue en Allemagne, 2009-2019.
Dans la plupart des cas, la surveillance des télécommunications a été ordonnée pour des infractions liées à la drogue. Aucun autre domaine n’a fait l’objet d’autant de mesures de surveillance ordonnées.
En Allemagne, un peu moins de la moitié de toutes les mesures de surveillance des télécommunications dans le secteur judiciaire ont été exécutées pour des infractions liées aux drogues ces dernières années. C’est ce que montrent les statistiques annuelles de l’Office fédéral de la justice (BfJ).
Les aperçus annuels du Ministère fédéral de la Justice montrent sur la base de quelle infraction individuelle du catalogue du § 100a du Code de procédure pénale (StPO) les interceptions ont été ordonnées. La plupart des interceptions ont été ordonnées pour des violations de la loi sur les stupéfiants sur la base de l’article 100a (2) no. 7a et no. 7b du Code de procédure pénale. En 2010, 6 880 cas ont été enregistrés à cet égard (33,7 % de tous les cas). Une dizaine d’années plus tard, en 2019, on dénombrait 8.624 cas (47,3% de l’ensemble des cas). En ce qui concerne la distribution, l’acquisition et la possession de pornographie enfantine, seuls 19 cas ont été enregistrés en 2010 (0,1% de tous les cas). En 2019, 21 cas (0,1% de tous les cas) ont été enregistrés.
Ces dernières années, la pédopornographie n’a joué qu’un rôle marginal dans la surveillance des télécommunications dans la pratique, tout à fait à l’opposé de la couverture médiatique concernant ce complexe de sujets.
Appel à l’interdiction du cryptage
Bien que les chiffres parlent un langage très clair, les politiciens et les médias continuent d’alimenter le mythe selon lequel nous devons interdire le cryptage pour protéger les enfants. C’est très dangereux. En formulant le débat de manière à ce que l’interdiction du cryptage soit nécessaire pour protéger les enfants, les politiciens tentent de faire pencher l’opinion publique dans leur sens.
Cependant, l’interdiction du cryptage est impossible : Il est impossible d’appliquer une loi humaine visant à interdire les lois des mathématiques. Parce que les mathématiques disent que vous pouvez avoir un bon cryptage, il peut simplement être programmé avec un code qui tient sur une feuille de papier.
Seuls les hors-la-loi auraient le cryptage
Par conséquent, seules les personnes prêtes à enfreindre la loi disposeront du cryptage. Le grand public n’en aura pas.
Ou, comme le dit Phil Zimmermann: “Si la vie privée est interdite, seuls les hors-la-loi auront la vie privée”.
Ce que les politiciens demandent, c’est, par conséquent, un vœu pieux. The Register en a fait une prière pointue que tous les politiciens demandant une interdiction du cryptage devraient apprendre par cœur :
“Oh Seigneur, accorde-nous aujourd’hui toutes les données, mais garde-les hors de la vue des malfaiteurs. Et si ce n’est pas possible, car ça ne l’est pas, même pour toi, oh Seigneur, force l’industrie à nous les donner en les présentant comme complices d’abus sexuels sur des enfants. Amen.”
La vérité est que : Si un service crypté contient une porte dérobée “pour les gentils seulement”, il contient une porte dérobée. Il est impossible de rendre un système crypté peu sûr sans le rendre peu sûr.
Les récents succès en matière d’enquêtes criminelles, comme le démantèlement d’Encrochat, une application de chat chiffré largement utilisée par les criminels, ainsi que l’opération AN0M, où des centaines de criminels ont été arrêtés après avoir utilisé une application de messagerie chiffrée gérée secrètement par le FBI, montrent qu’il n’est pas non plus nécessaire d’interdire le chiffrement pour tous les citoyens afin de poursuivre les criminels.
Des vies dépendent du cryptage
Les politiciens continueront de réclamer l’interdiction du cryptage pour “protéger les enfants”, mais ne vous y trompez pas : Les sociétés libres et démocratiques dépendent du chiffrement autant qu’elles dépendent de la liberté d’expression et du droit à la vie privée.
Le cryptage est essentiel pour protéger les militants, les avocats, les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et bien d’autres.
C’est pourquoi exiger l’interdiction du chiffrement doit cesser.